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O DIEU MYSTÉRIEUX…


Vous ne pouviez savoir que de vos frais matins,
De vos nuits, que les vents transportent d’allégresse,
Nous ferions, nous, rêveurs exigeants et hautains,
Le temple de notre âpre et frénétique ivresse ;

Que toujours désirant et jamais satisfaits,
Aux flèches du désir ajoutant le reproche,
Nous emplirions l’éther insensible et parfait,
D’un chant plus remuant que l’orage et les cloches ;

Que l’amour et la mort, dont vous aviez lié
Les mains, dans une sage et suave harmonie,
Seraient pour nous, héros toujours à l’agonie,
Le mystique portail avec ses deux piliers ;

Que nous appellerions amour, splendeur, désastre,
Ce qui n’est à vos yeux que la pente du sort.
Et qu’avec nos orgueils, nos défis, nos transports,
Nous viendrions, — Bouddha qui rêvez dans les astres,
Près de la lune, blanc lotus mort à demi,
Écoutant la musique éparse et frémissante
Que font les sphères d’or en leur course dansante, —
Troubler par nos sanglots votre rire endormi…