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le souvenir des morts


Ah ! les rires, l’espoir, les projets, les étés
Sont d’incertains signaux à qui mon cœur résiste ;
La vie est sans aspects puisque la mort existe.
Je vous salue, ô Morts ! Constance, Fixité !

— On bâtit : des maçons debout sur les tranchées
Font vibrer dans l’azur le bruit vaillant du fer,
Mais mes yeux vont, emplis d’un songe âpre et désert,
De nos maisons debout à vos maisons couchées.

Je laisse les oiseaux, dans le laiteux azur,
Acclamer la saison insinuante et tendre ;
Je pense aux froids jardins enfermés dans les murs
Où les morts patients rêvent à nous attendre.

Je m’éloigne de tout ce qui vit et qui sert ;
Je pense à vous : mon but, mes frères, mon exemple.
La Mort vous a groupés dans son grave concert,
Et sa sombre unité, nous la chantons ensemble !…