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LE LIVRE DE MA VIE

Et je bénissais l’érudit, le gardien des livres poudreux et des textes immuables qui accordait des droits d’expansion aux pétales bouclés de la jacinthe là où le noble Sully Prudhomme, poète et philosophe, mettait des carcans aux corolles.

Revenons à ces journées enfantines qui, chacune créatrice, nous apportent une neuve nourriture dont nous bénéficierons en notre esprit, en nos actes, en nos œuvres futures.

Édouard VII, alors prince de Galles, de passage à Lausanne, annonça, un jour d’automne, sa visite à Amphion. Une allégresse religieuse s’empara de nos bonnes anglaises, immédiatement extasîées comme une communauté monastique à l’heure de l’adoration.

La saison épanouie, à peine tachée par la rouille dentelant de secrets taillis, mais en ses élans visibles peinturée de pourpre et de feu comme les brugnons réputés des espaliers d’Amphion, accueillit dans un envolement de vent bleu et de feuilles colorées le prince courtois. Un thé superbe lui fut servi dans la salle à manger d’aspect simple et désuet, décorée de tableaux giboyeux, et dont les portes vitrées, ouvertes sur une portion parfaite du paysage, encadraient l’horizon liquide, la terrasse ombragée de palmes, où des chaises de