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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/115

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LE LIVRE DE MA VIE

préférable d’être frappé de baguettes et d’arriver au but de telle sorte que l’on obtienne la couronne de roses et de feuilles d’olivier… »

Mais je reviens à mes souvenirs de petite fille d’Amphion. La princesse Louise d’Angleterre, sœur du prince de Galles, très amicale envers ma mère qui avait été élevée dans le proche voisinage diplomatique de la cour de Londres, fut pour moi l’objet d’un incident notoire aux yeux d’une enfant. Comme elle devait aborder à notre rive sur La Romania qui avait été la chercher à Montreux, on m’avait appris un bref discours en anglais, qu’il me fallait lui réciter en lui offrant un somptueux bouquet de fleurs. La phrase bien composée me troublait en ce langage étranger que ma mère parlait parfaitement sans que j’aie jamais pu acquérir l’accent désirable. Elle se terminait par cette salutation : « The welcome be your Royal Highness. » En proie à une timidité douloureuse, non seulement je sentis mon pied se prendre dans les planches à claire-voie du débarcadère, ce qui compromettait une révérence longuement étudiée, mais encore je déformai les derniers vocables de mon compliment et je prononçai : « Your royal honey », c’est-à-dire miel royal, sous l’œil pour la première fois sévère de ma mère. Je souffris, mais ensuite, je raisonnai. Miel royal à la place de royale grandeur m’apparut poétique et consola solitaire-