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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/12

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INTRODUCTION

rections que nous sommes seuls à connaître et à pouvoir fournir.

« Qui téléphonera quand je serai morte ? » me suis-je écriée souvent quand j’entendais à mes côtés une voix me rendre le service de me suppléer. Ces molles ou timides paroles, ces irrésolutions, cette ligne onduleuse de la volonté, ce duel sans vigueur avec un silence adverse, non, ce n’était pas moi. Si ces mêmes voix avaient eu à s’interpréter elles-mêmes, sans doute eussent-elles répondu avec perfection au vœu de l’interlocuteur. Mais celui qui nous attend, qui ne veut que nous, qui a pour espoir de se nourrir de nous et de s’en abreuver, qu’a-t-il à faire de tels travestissements ? Et moi-même, sévère à moi-même, j’ai pu dire souvent, dans mes instants de grande fatigue, d’inertie sans recours, de désabusement et de juste épouvante devant le néant de l’infime comme de l’infini : « Je me sens inutile, mais irremplaçable… »