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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/149

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LE LIVRE DE MA VIE

et non à moi, ne manquaient pourtant pas d’agiter mon cœur. Ah ! que je souhaitais la réalisation d’une si radieuse assurance ! Ce qui m’empêchait de me complaire à la lecture de ces petits livres d’un ton hautain, mais, hélas ! insouciant et léger, c’est que j’appelais de toutes mes forces un apaisement plus prompt, que les rédacteurs impérieux des consolantes écritures ne s’ingéniaient pas à procurer. Les alternatives d’espoir et de désespoir durèrent plus de deux ans. Des cérémonies funèbres, fréquemment répétées, s’opposaient à la cicatrisation de la blessure. Le deuil, pesant et prolongé, tel qu’on le conçoit en Orient et que ma mère était encline à le considérer, avait pour conseiller apaisant le docteur Vidal, mais pour zélateur M. Dessus, robuste et sensuel Corrézien, décidé à diriger les âmes vers Dieu par la douleur, qu’il ne jugeait plus nécessaire à son propre salut. Possédant la foi la plus tenace et spacieuse, ayant ainsi atteint le but, il se mettait à l’abri de toute tristesse, jouissait avec plénitude de l’existence et pensait seulement ajouter à ses mérites en guidant durement vers Dieu les esprits hésitants. Il nous faisait de grand cœur gravir un calvaire dont il ne tentait plus l’ascension, assuré qu’il était que nos efforts lui seraient bénéficiels.