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LE LIVRE DE MA VIE

ainsi que l’écrit d’Annunzio, est toujours sur l’autre rive !

J’ai aimé dans mon enfance le sonnet cher à l’oncle Paul avec cette réjouissance d’une âme insatiable qui se disait : « Voici donc, tout ensemble, la musique, la peinture, les paysages reflétés par l’esprit ; l’épanchement du cœur ; et, pour terminer, les mouvements aisés de l’intelligence énonçant une vérité ingénieuse et pathétique ! La poésie est, sans aucun doute, l’art spacieux et dominateur dans lequel tous les autres se confondent ! »

Depuis cette initiation, et dès mes premiers essais, j’ai parlé un langage où ne restaient plus entières la certitude et la foi puisées dans les enseignements de l’oncle Paul. Sans modèle, sans guide, seule avec la Nature, je l’ai contemplée, j’ai écouté son appel et ses confidences ; je me suis abandonnée à elle et je l’ai attirée sur mon cœur. Cette union passionnée m’inspira une harmonie hardie et neuve, soutenue par la tradition et les réminiscences, mais qui ne recueillait les conseils d’aucune école et ne voulut reproduire que ce qui est vif et frémissant.


J’ai insisté sur la malchance qui troubla mon été du Bosphore et me le rendit cruel. Si, plus tard, j’ai pu chanter avec amour les rives orientales de l’Europe et la rive d’Asie que je ne connus