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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/194

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LE LIVRE DE MA VIE

dans la seule intention de déposer sa gratitude aux pieds de son idole. Au moment de sonner à la porte du plus grand des poètes, mon oncle, scrupuleux, nerveux, hésitant, épouvanté, se demanda soudain s’il dirait correctement à la servante : « Monsieur Victor Hugo est-il chez lui ? » ou bien, avec la vénération familière réservée à l’exceptionnel : « Victor Hugo est-il chez lui ? » Ne pouvant résoudre la question, se décider pour la formule de la civilité coutumière ou pour celle de l’adoration, mon oncle s’enfuit, terrorisé d’amour, dès qu’il entendit des pas dans l’escalier de l’hôtel exigu de l’avenue d’Eylau et qu’il put craindre de voir s’ouvrir la porte du temple modeste, où logeaient, par la puissance du génie, les sommets et les gouffres.