CHAPITRE II
amais l’idée ne me vint que mes parents fussent
des étrangers. Sur quoi établissais-je ce sentiment
d’unité entre eux et le pays qui
m’avait vue naître ? Les parents, en ce temps-là,
ne parlaient pas beaucoup à leurs petits enfants ;
ils étaient fiers de leurs dons, de leur aspect, mais
s’en remettaient de tous les soins et de tous les
éclaircissements aux bonnes et aux gouvernantes.
Très malade d’une angine supportée avec le rude
et nécessaire courage de la petitesse, je vis tout un
soir des serviteurs m’entourer tendrement, et c’est
vers minuit seulement qu’apparut, au pied de
mon lit, ma mère, ravissante, coiffée d’un feutre de
couleur crème que voilait un tulle pâle où se cachait
une rose thé. Les médecins, amoureux d’elle, lui
avaient intimé l’ordre de se distraire, d’aller au