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LE LIVRE DE MA VIE

Le nom de Napoléon m’émerveillait, me satisfaisait comme il satisfaisait Napoléon lui-même. Celui qui constatait en toute chose le réel a su dire de soi, dans ses entretiens si humains, si directs de Sainte-Hélène, que la nature lui avait dispensé, sans aucun manque, ce qui devait séduire et enivrer les peuples, et, ajoutait-il, jusqu’à mon nom, avec ce qu’il a de poétique et de redondant

Un jour d’été, ayant navigué pendant deux heures environ, nous arrivâmes, un peu avant le coucher du soleil, à cet endroit resserré du lac que la rade de Genève limite, ayant à son côté les verdures de Prangins. Nous vîmes de loin venir par une allée sableuse, et s’arrêter pour nous recevoir sur le débarcadère, un homme vigoureux, aux épaules larges et hautes, dont le visage puissant, d’une teinte jaunâtre, ressemblait, affirmait-on, à celui de l’empereur. Je voyais un homme qui ressemblait à Napoléon Ier ! L’équipage villageois et champêtre de notre bateau, nos bonnes anglaises et allemandes, avaient été autorisés à monter sur le pont, à regarder secrètement, furtivement, l’exilé qui ressemblait à l’empereur.


— Napoléon Bonaparte, jeune homme maigre et emporté des livres d’étrennes de mon enfance,