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Page:Noailles Le Livre de ma vie.djvu/47

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LE LIVRE DE MA VIE

ferrajo qui causait dans l’île avec les pêcheurs de thons et partageait avec eux leur repas du soir, me servit de guide pour remonter vers celui que je ne me lasserai pas de considérer comme le joyau exaltant de l’Histoire. Quand la nature réussit-elle une créature qui, en toutes ses apparences, en toutes ses fonctions, l’emplit et la dépasse ? Quand nous convie-t-elle à contempler, de la naissance d’un homme à sa mort, le prodige permanent et qui défie la prévision, tant par la somptuosité sans seconde que par la mesure et la sobriété ? Sur qui accumule-t-elle le positif et le mystérieux de façon si étrange que l’imagination erre, ébahie, de l’astre du héros, vu en un songe divinatoire par Frédéric le Grand, en 1769, à cette minuscule étoile, astérisque tracé par Bonaparte à dix-huit ans, au bas de son dernier cahier d’étude ? Impénétrable secret de l’avenir, ce studieux forcené, achevant de noter et de commenter la somme de ses immenses lectures, écrivit, une nuit, sur l’espace restreint de la feuille terminale : Sainte-Hélène, petite île de l’océan Atlantique. (Possession anglaise.)


Jusqu’au physique qui, chez lui, conquérait et puis comblait de ravissement sa proie.

Dans les heures révolutionnaires de Toulon, sans gloire encore pour lui, une femme élégante de l’ancienne cour fuyait, éperdue, guidée par ses