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CHAPITRE V


L’enfant que je fus… — Le nom d’Amza. — Un regard de Mistral. — Sully Prudhomme et Gaston Paris. — Le prince de Galles et ses deux fils à Amphion. — Ma faculté d’admiration. — Confraternité. — Gérard d’Houville et Colette. — Le compliment à la princesse Louise d’Angleterre.



Si peu martelé par les événements, et gardant ainsi intact l’émail de l’âme, un enfant peut-il se croire pareil aux autres enfants ? Une certitude négative nous est fournie plus tard, quand nous nous apercevons à quel point, dès le plus petit âge, nous fûmes différents de nos puérils compagnons. Je revois la Véranda du chalet d’Amphion qui tressaillait le soir aux cris élégiaques des hirondelles, dont le vol en sombres et légers coups de couteau poignardait un azur poudré de rose, flamboyant et puis voilé, sur lequel se détachait la danse silencieuse, aux angles aigus, des chauves-souris. Véranda mi-close, fraîche et bruineuse comme une barque arrêtée la nuit sur l’eau. Là, au moment qui précédait le dîner, sur des canapés encombrés de coussins turcs en laine rêche, je m’asseyais entre mon frère et ma sœur et me