Page:Oeuvres complètes de N. Macchiavelli, avec une notice biographique par J. A. C. Buchon.djvu/392

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4 insubordination, comme celase pratiqua dans 1es temps corrompus de la république.

Auguste, et ensuite Tibère, plus jaloux de leur propre autorité que de ce qui pouvait être utile à la république, commencèrent les pre- miers à désarmer le peuple romain pour pou- voir plus aisément l’asservir, et à maintenir constamment les mêmes armées sur les frontiè- res de l’empire. Ne jugeant pas que ce moyen füt suffisant pour subjuguer le peuple et le sé- nat, ils créèrent une arinée préloricnne tou- jours campée sous les murs de Rome, et qui la dominait comme d’une forte citadelle, La facilité qu’ils accordèrent aux citoyens envoyés aux armées, de faire du métier des armes leur unique profession, produisit l’insolence de la soldatesque, qui devint la terreur du sénat, et qui fit tant de ral aux empereurs mêmes. Les légions en égorgèrent plusieurs, donnèrent l’empire au gré de leurs caprices ; et un vit souvent à la fois plusieurs empereurs créés par les différentes armées. Et quel fut Île résultat de tous ces désordres ? D’abord, le déchire- ment de l’empire, et enfin sa ruinc.

Les ros jaloux de leur sécurité doivent donc composer leur infanterie d’hommes qui, au moment de la guerre, se consacrent volon- ueis, par amOur pour eux, au service des ar- mées, mais qui à la paix s’en retournent plus volentiers encore dans leurs foyers. 11 faut, pour cet eflet, qu’its emploient des hommes qui puissent vivre d’un autre métier que de celui des armes. Un roi doit vouloir qu’à la fin de la guerre, ses grands vassaux retournent gouverner leurs sujets, ses gentilshommes cultiver leurs terres, son infanterie exercer diverses professions, et que chacun d’eux en- fin fasse volontiers la guerre pour avoir la paix, et ne cherche pas à troubler la paix pour avoir la guerre.

Cos. Votre raisonnement me parait fort bien établi ; cependant comme il tend à renver- ser à cet égard toutes mes opinions passées. je vous avoue qu’il me reste encure quelques doutes. Je vois en effet un grand nombre de seigneurs, de gentilshommes et autres gens de votre qualité vivre, dans la paix, de leurs ta- lents militaires, et recevoir un traitement des princes et des républiques. Je vois aussi une irès-grande partie des soldats rester employés à la défense des villeset des forteresses ; il me semble donc que chacun trouve pendant la paix quelques movens de subsister,

Fasr. J’ai peine à croire que vous puissiez avoir une telle opinion ; car en supposant qu’il n’y ait aucune observation à faire sur cet usage, le petit nombre de soldats emplovés dans les lieux dont vous venez de parler suffi- rait pour vous réfuter. Quelle proportion y a-t-ilen effet entre l’infanterie que demande l’état de gucrre, et celle nécessaire pendant la paix ? D’abord, les garnisons ordinaires des villes et des forteresses sont doublées pendant la guerre ; et il faut y jiudre les soldats que l’on üen : en campagne ; toutes ces troupes for- ment un nombre très-considérable, dout on est obligé de se débarrasser pendant la paix. Quant au petit nombre de troupes qui restent char- gées de garder les états, votre république et le pape Jules ont assez fait connaitre ce qu’il y a à craindre d’hommes qui n’ont d’autre mé- tier que la guerre. Leur insolence vous a forcés de les éloigner et de leur préférer les Suisses, qui, nés sous le régime des lois, e ! choisis se- lon les vrais principes, par l’état lui-même, doivent inspirer plus de confiance. Ne dites donc plus que dans la paix, tout militaire trouve les moyens de subsister.

Quant à la question de maintenir les gens- d’armes ’ pendant la paix avec leur solde, elle est plus difficile à résoudre. Mais, après y avoir bien réfléchi, on verra que cette habitude cst funeste et contraire aux principes. Ce sont cn effet des hommes qui font méiier de la guerre, et qui produiraient dans un éut les plus grands désordres s’ils étaient en nombre suffisant, mais trop peu nombreux pour for mer une armée, ils ne commettent pas tout le mal qu’on en pourrait attendre, Ce n’est pas qu’ils ne soient quelquefois d’un très— grand danger, comme le prouve ce que j’ai raconté de Francesco et de Sforza son père, et de Braccio de Pérouse. Je soutiens donc que cet usage de so ! der des gens-d’armes est répréhensible, funeste et sujet aux plus grands abus.

Cos. Voudriez vous vous en passer ? Ou, si vous les employiez, de quelle manière croi- riez-vous devoir les tenir ?

« C’était la grosse cavalerie, et la partic la plus estimée des armées de ce temps-là.