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Page:Oeuvres de Saint Bernard, Tome 3, 1870.djvu/187

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vrai lys non des collines, mais des vallées, car le juste germera comme le lys[1], dit le prophète. Et qui donc est juste, sinon celui qui est humble ? Lorsque le Seigneur s’inclinait sous la main de saint Jean-Baptiste, son serviteur, et que celui-ci tremblait devant sa Majesté : Laissez, dit le Sauveur : c’est ainsi qu’il nous faut accomplir toute justice[2], mettant ainsi la consommation de la justice dans la perfection de l’humilité. Le juste est donc humble, le juste s’abaisse comme les vallées. Et si nous avons été trouvés humbles, à notre tour, nous germerons comme le lys et nous fleurirons pendant toute l’éternité devant le Seigneur. N’est-ce pas alors surtout que le juste se montrera vraiment, le lys des vallées quand notre Seigneur transformera le corps de notre humilité, afin de le rendre conforme à son corps glorieux[3] ? Il ne dit pas, notre corps, mais le corps de notre humilité, montrant que ceux-là seuls qui sont humbles brilleront de l’admirable et éternelle splendeur de ce lys. Voilà ce que j’ai à dire, sur ce passage ou l’Époux s’appelle la fleur des champs et le lys des vallées.

8. Il serait aussi utile d’examiner ce que l’Époux dit de sa bien-aimée : le temps ne le permet pas. Notre règle nous défend de rien préférer à l’œuvre de Dieu[4]. Saint Benoît notre père a voulu qu’on donnât ce nom aux louanges solennelles dont le tribut se paye tous les jours dans l’Oratoire, pour nous montrer clairement l’attention que nous devons y mettre. Je vous conseille donc, mes bien-aimés, d’apporter toujours à l’office divin un cœur ardent et pur, et de vous présenter devant le Seigneur avec une joie respectueuse. N’y venez pas lâchement, en sommeillant, en bâillant, en ménageant votre voix, en coupant les mots, ou en ne prononçant qu’à demi, ou d’un ton trop bas, en balbutiant et nazillant comme des femmes ; prononcez d’un ton ferme et viril, et avec ce sentiment affectueux que donne le Saint Esprit. Apportez ici un cœur pur, ne pensez qu’à ce que vous chantez. Évitez non-seulement les pensées vaines et inutiles, mais encore celles qui, selon le temps et les lieux, occupent nécessairement les frères servants chargés du service commun. Je vous conseille même de ne pas laisser votre esprit s’entretenir de ce que vous venez de lire dans le cloître, ou de ce que vous venez d’entendre de ma bouche dans cet entretien spirituel. Tout cela est utile sans doute ; mais vous ne pouvez vous en nourrir utilement durant l’office ; le Saint-Esprit ne peut agréer une offrande qui suppose la négligence des choses obligatoires. Puissions-nous toujours, sous son inspiration accomplir sa volonté ! Ce sera l’effet de la grâce et de la miséricorde de l’Époux de l’Église, J.-C. N. S. qui est le Dieu béni dans les siècles. Ainsi soit-il.




Sermon XLVIII




Des louanges que se donnent réciproquement l’Époux et l’Épouse : et comment par l’ombre du Christ il faut entendre son corps et la foi en lui.

1. Ma bien-aimée est, parmi les filles, comme le lys entre les épines[5]. Elles sont sans bonté ces filles qui piquent. Rappelez-vous quels germes corrompus la malédiction a valu à notre terre. Lorsque vous l’aurez cultivée, dit le Seigneur, elle ne vous produira que des épines et des ronces[6]. Tant que l’âme habite dans la chair, elle vit au milieu des épines ; c’est une nécessité qu’elle soit agitée par les tentations, et qu’elle ressente l’aiguillon des tribulations. Si, selon la parole de l’Époux, elle est un lys, qu’elle soit donc attentive et soigneuse à veiller sur elle, environnée qu’elle est de tous côtés d’épines dont les pointes acérées la transpercent. Une fleur, à raison de sa délicatesse, est incapable de résister au plus léger froissement ; si peu qu’on la touche, elle est blessée. Sentez-vous donc combien le prophète a raison de nous exhorter à servir le Seigneur

  1. Osée, xiv, 6.
  2. Math. iii, 15.
  3. Philipp., iii, 21.
  4. Règle de saint Benoît, chap. iv, 3.
  5. Cantiq., ii, 2.
  6. Genèse, iii, 18.