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ESCHYLE.

l’état fossile, un immense charnier d’animaux géants. Nulle part on n’a trouvé les grandia ossa des Faunes primitives en telle abondance. Cette pure et sobre Attique était, à l’époque tertiaire, la région des énormités. Une végétation effrénée inondait alors ses paysages demi-nus, clairsemés d’oliviers et de lauriers-roses. L’Hymète et le Pentélique qui, depuis qu’un nom leur a été donné, ne peuvent nourrir que quelques essaims d’abeilles, défrayaient des hordes de monstres. Le Dinotherium et le Mastodonte, le Rhinocéros à deux cornes, le Sanglier d’Érymanthe encombraient les jungles sauvages où, plus tard, fut le Parthénon. Les Hipparions aux pieds digités galopaient par bandes, dans les plaines que devaient battre en cadence, sous l’équitation légère des éphèbes, les chevaux de courses des Panathénées. Eschyle semble le contemporain de cette zone excessive plutôt que celui de la terre exquise qui la remplaça. On rêve autour de ses tragédies les êtres et les formes de la nature gigantesque.

Entre les poètes de la Grèce, il apparaît comme un colosse parmi des statues. Il est antique dans l’antiquité même, sacerdotal au milieu d’un peuple laïque. Contemporain de Sophocle, Eschyle a moins l’air de son aîné que de son ancêtre. Son théâtre est à celui du poète d’Antigone, ce qu’une pyramide d’Égypte est au Parthénon. Leur différence d’âge est