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PREMIÈRE GUERRE MÉDIQUE.

haute commémoration du triomphe fut l’emploi qu’elle fit d’un bloc de marbre repris à l’ennemi. Les Perses, se croyant vainqueurs par avance, l’avaient transporté de Paros, pour y tailler un trophée. Mais le marbre prédestiné cachait la déesse qui humilie les superbes : Agoracrite, élève de Phidias, fit sortir une Némésis ironique du bloc délivré.

Un épisode ingénu égaye cette glorieuse journée, pareil à un bas-relief pastoral enchâssé dans le socle d’une colonne guerrière. Les Athéniens, avant le combat, avaient fait vœu d’immoler à l’Artémis Agrotère autant de chèvres qu’ils tueraient d’ennemis. Mais ce vœu, s’ils l’avaient strictement accompli, aurait dépeuplé les étables et les pâturages. Toutes les chèvres de la pauvre Attique auraient été la curée de la Chasseresse. Il ne serait plus resté une seule victime pour l’autel de Pan et des Nymphes. On composa donc avec Artémis : au lieu de six mille abattues d’un coup, il fut décidé que cinq cents chèvres lui seraient sacrifiées chaque année. La « Très-bonne Déesse » accepta cette transaction ; comme, dans une églogue, elle eût pardonné la tricherie d’un pâtre qui, pour vaincre au jeu de la flûte, lui aurait voué imprudemment son troupeau.

« Les feux de l’aurore sont moins doux que les premiers regards de la gloire. » Ces paroles mo-