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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/168

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ESCHYLE.

leurs longs cheveux sauvages, et les couronnaient d’anémones. Ils ne daignèrent même point remarquer le cavalier ennemi qui les observait : pas un geste tourné vers lui, pas un regard menaçant, non plus qu’à un oiseau de proie qu’ils auraient vu tournoyer sur l’arène des Jeux d’Olympie. On les célébrait justement alors, et c’était même pourquoi les Grecs n’avaient envoyé aux Thermopyles qu’une si faible avant-garde. L’urgence du péril n’avait pu leur faire ajourner ces fêtes sacrées, les dieux devant passer avant les Barbares. Que de grandeur témoigne cette fière insouciance ! Le génie grec s’y montre dans sa sérénité légère, planant sur les dangers et les catastrophes, jouant de la lyre et lançant des disques par-dessus les armées aux prises. Éloignés des jeux fraternels d’Olympie, les compagnons de Léonidas voulaient sans doute s’y rattacher par ces exercices gymniques célébrés en face de l’ennemi. C’était leur adieu aux joies brillantes de la vie, leur dernière communion avec la patrie.

Le cinquième jour, la garnison était toujours là, allant et venant comme dans le désœuvrement d’une étape, inattentive en apparence au gigantesque ennemi suspendu sur elle. Elle ne semblait pas distinguer les masses qui battaient ses retranchements, des flots de la mer voisine roulant sur la plage.