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ESCHYLE.

ordre si hagarde et si terrifiée que, voyant de loin des falaises détachées de la côte, elle prit leurs rochers pour des vaisseaux grecs, leurs blancheurs brillantes pour des voiles, et s’éparpilla dans la haute mer. Xerxès, pendant ce temps, regagna le pont d’Abydos, traînant après lui les tronçons de l’armée de terre. Sa retraite fut une de ces déroutes comme on en voit dans la Bible : fonte d’avalanche humaine, cohue de troupeaux débandés que Pan, le dieu des paniques, semblait pousser du fer de sa houlette, aussi terrible que l’épée de l’Ange exterminateur. La peste et la famine achevèrent ses restes : aux bombances triomphales, aux banquets encombrant les plaines, de son entrée en campagne, succédèrent les étapes à jeun et les marches exténuées par les pays vides. Cette gigantesque armée dont, l’année d’avant, chaque halte dévorait une ville, fut contrainte, au retour, de manger l’écorce des arbres et de tondre le gazon des champs. Nabuchodonosor vaincu brouta l’herbe. L’invasion des « Dragons », comme les Perses s’appelaient eux-mêmes, s’évanouit en un nuage de sauterelles faméliques, rongeant les pousses et les regains du désert.

VIII

En quittant l’Hellade, Xerxès y laissait Mardonios,