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LES PERSES D’ESCHYLE.

la vérité, mais je n’ai point dit tous les maux dont un Dieu a accablé les Perses. »

IV

Un seul remède à de si grands maux : frapper aux portes du tombeau, évoquer Darius, le roi tutélaire qui fit la Perse si grande et la maintint si puissante, l’avertir que l’Empire chancelle et l’appeler au secours. Tandis qu’Atossa va préparer dans le palais les breuvages qui réveillent la mort, le Chœur reprend ses Thrènes désolées. Il pleure sur l’Asie dépeuplée, sur tant de héros « mangés par les Muets de la mer incorruptible ». Une strophe douce comme une fleur, se détache de son triste psaume, et tombe sur « les lits aux molles draperies, où les Persanes déplorent leurs noces récentes, et toutes les voluptés de la jeunesse à jamais perdues ». Le souci de l’État assombrit encore l’angoisse des Fidèles, la politique élève sa voix grave par-dessus leur chant pathétique. Blanchis sous les secrets de deux règnes, ils savent le défaut de ce vaste Empire taillé par le glaive, dans un bloc friable de nations conquises. Le prestige est le talisman qui maintient l’énorme édifice, s’il s’en retire, tout s’écroule. Les peuples vont se redresser, puisque le roi tombe ; la liberté