Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
ESCHYLE.

Le génie plastique de la Grèce se révèle, dès son origine, par ces beaux symboles. Dans les autres Mythologies, l’homme est créé d’une façon baroque : l’engendrement dont il naît ressemble à un cas tératologique. — Belus, dans la Phénicie, l’extrait de la tête coupée d’une déesse informe. Il sort, en Perse, de l’épaule d’un taureau tué. Brama tire les pères des castes de l’Inde de sa bouche et de ses bras, de ses cuisses et de la plante de ses pieds. L’Odin scandinave ramasse deux troncs d’arbres échoués sur une plage de la mer du Nord, les taille à la hache, et en façonne le premier couple du monde ténébreux. — La noble Grèce fait naître l’homme dans un atelier de sculpteur. Un artiste à demi divin, un Phidias titanique, y travaille comme au chef-d’œuvre des êtres. Il le modèle dans la glaise selon les lignes d’un type idéal. L’homme sort de ses mains à l’état de statue vivante, semblable aux dieux qu’il adorera, digne de les figurer dans leurs temples. Son berceau est un piédestal.

Cependant Prométhée, enchaîné à sa colonne ou à son rocher, subissait le bec acharné de l’aigle et l’horrible renaissance de son foie rouge. Les Argonautes, traversant le Pont-Euxin, entrevoyaient de loin sa silhouette colossale à demi couverte par l’oiseau vorace ; ils entendaient ses cris qui déchi-