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PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

filles, honnêtement soucieux aussi du sort de Prométhée dont il est parent, étant lui-même de race titanique, vient le visiter et lui porter ses conseils. Il arrive porté sur un Dragon familier, soucieux et morose, gonflé d’une expérience qui va s’épancher en sentences. La crainte des Dieux nouveaux est le commencement et la fin de toute sa sagesse. Content de la sécurité qu’ils lui laissent, il se soumet au succès, respecte le fait accompli et ne demande plus qu’à vieillir en paix. Le roi déchu s’est fait courtisan. On se le figure sous les traits d’un de ces Fleuves officiels qui décorent les jardins des Olympes terrestres, lancent leur jet d’eau quand le monarque passe, et se rendorment ensuite au sourd murmure de leur urne.

Océanos, dans la mythologie primitive, ne représentait point la Mer universelle, comme son nom pourrait le faire croire. C’était un immense courant fabuleux qu’on croyait enserrer la terre, sans source et sans embouchures, s’alimentant par lui-même, et d’où toutes les mers, tous les neuves, toutes les rivières prenaient leur naissance. Il avait eu son temps de suprématie et de gloire, dont on retrouve encore la mention lointaine dans l’Iliade. Homère fait de l’Océan le principe des choses et des dieux eux-mêmes (θεῶν γενεσίσ), l’origine et le réservoir de toute vie. Mais cette grandeur avait peu duré. Comme d’autres dieux des hautes époques, Océanos avait été lentement abrogé