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ESCHYLE.

par la désuétude. Trop antique, trop immémorial, presque abstrait puisqu’il était invisible, il n’avait pu se dégager des ébauches de l’élément, et parvenir u la vie plastique. Un violent rival l’avait supplanté, Poséidon (Neptune) s’était emparé des mers méditerranéennes, les seules connues du monde hellénique et qui baignaient toutes ses côtes. Toujours présent et toujours vivant aux yeux de leurs riverains, il avait usurpé bientôt la royauté absolue des ondes. Il y trônait sur son quadrige de grandes vagues équestres, au milieu d’une cour de Satyres et de Ménades aquatiques dont les bondissements exprimaient la fureur on la joie des flots. Dépossédé par ce fougueux conquérant, le vieil Océanos tomba par degrés à l’état de divinité honoraire. Il régnait toujours nominalement sur l’empire humide, mais il ne le gouvernait plus. C’était une sorte de Roi-Fainéant des eaux, relégué aux confins du monde, dans les brumes d’un pôle inconnu. Sa vaste face s’était confusément effacée : la sculpture, craignant peut-être d’y émousser son ciseau, essayait à peine de le figurer. On croit le reconnaître dans une statue fluviale du Capitole ; une autre sculpture du Vatican le montre sous la forme d’un grand vieillard, au torse écaillé, dont la barbe houleuse roule des dauphins dans ses boucles. Encore l’attribution de ces effigies est-elle contestée.

Océanos n’était point, du reste, le seul souverain