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PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

tombé du polythéisme. Ses contemporains des premières dynasties divines avaient subi la même déchéance. Ouranos, depuis qu’il avait été mutilé par Cronos, ne figurait guère plus dans la mythologie qu’un Mérovingien tonsuré ne reparaît dans l’histoire. Cronos, à son tour, après la victoire de Zeus, avait été déporté dans la vice-royauté lointaine des Îles Bienheureuses, séjour indéterminé des âmes justes, Il y régnait, ombre de dieu sur des ombres d’hommes. Les Titans eux-mêmes, libérés à la longue de l’écrasement des volcans et des supplices du Tartare, avaient pris rang parmi les divinités souterraines. Inoffensifs désormais, mal guéris de leurs coups de foudre, ces invalides du Chaos vieillissaient honorablement dans leur retraite ténébreuse. Zeus put dire d’Encelade et de Briarée, ce qu’un César romain dit de son frère égorgé par lui, et admis ensuite à l’apothéose. Sit divus dum non sit vivus.

On comprend donc la physionomie caduque que prend Océanos dans le drame d’Eschyle. Avec une de ces hardiesses qui lui étaient familières, il l’a fait comique, moitié patriarche et moitié Géronte. Cet oncle fabuleux du Titan rejoint, par son caractère raisonneur, les grands-parents de nos comédies ; il a l’air d’être l’ancêtre de ces pères nobles. L’imagination le revêt d’une perruque ruisselante, elle transformerait volontiers son dragon paisible en un