Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
ESCHYLE.

coursier sédentaire blanchi dans l’écurie d’un manoir humide. Quand on l’écoute morigéner Prométhée, avec sa bonhomie radoteuse, on croit entendre un vieux seigneur d’ancien régime, venu à la Bastille, du fond de sa province, pour semoncer un neveu rebelle, compromis dans une affaire de lèse-majesté. Ce qu’il lui prêche, c’est la soumission absolue, l’amende honorable, le recours en grâce. Les remontrances et les apophthegmes coulent longuement de sa barbe d’algues.

«Je te vois, Prométhée, et, tout habile que tu es, je te conseillerai pour le mieux. Rentre en toi-même, conforme-toi aux pensées nouvelles. Nous avons tous un nouveau maître ; plus de paroles acerbes, de traits acérés ; Zeus les entendrait, quoiqu’il siège sur es hauteurs. Malheureux ! regrette ta colère. Sois humble comme il convient, cherche la fin de tes maux. Tu vois où conduit une langue effrénée. »

Le bonhomme de dieu sent bien au fond qu’il rabâche un peu, et il l’avoue avec une naïveté débonnaire : — « Peut-être te semblé-je dire des vieilleries, » — λέγειν τάδε ἀρχαῖα. — Serviable d’ailleurs, dévoué à sa manière, il se croit bien en cour, et offre à Prométhée d’arranger l’affaire avec Zeus, s’il consent à reconnaître le droit du plus fort.

Le patient accueille le vieillard avec déférence, mais ses harangues l’importunent. Il lui fait peur de sa démarche ; ses conseils de prudence, il les lui renvoie, et le dédain perce déjà sous sa sollicitude ironique.