Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

n’existent plus, et qu’a vus l’âge précédent. » — Ailleurs, un prêtre versant le Soma sur l’autel d’Agni, confond dans un même hommage les dieux passés, présents et futurs, les aïeux et les enfants de l’Éther, ceux qu’abolit déjà la caducité, et ceux qui naissent à la vie céleste. — « Adoration aux grands dieux ! adoration aux dieux enfants ! adoration aux dieux jeunes ! adoration aux dieux âgés ! À tous ces dieux, un même sacrifice ! »

La Grèce avait hérité de ce libre esprit. Sa religion n’était pas fixée sur un fond rigide, par les clous du dogme : toujours flottante, toujours en mouvement, elle se pliait aux progrès de l’homme, s’adaptait à sa croissance et suivait sa marche. Ces dieux, qu’il chantait et qu’il adorait, le Grec sentait vaguement qu’il les avait faits, qu’il les avait tirés de sa conscience plus ou moins lucide des lois de la vie, qu’ils n’étaient en somme que les figures idéales des rêves de sa pensée et des éblouissements de ses sens. Il remaniait sans cesse, et d’après lui-même, leurs types défectueux ; il les épurait et les élevait, les destituant ou les délaissant, quand leur nature ingrate résistait à ses corrections, comme un sculpteur jette au rebut l’argile qu’il n’a pu pétrir à son gré. Aux âges barbares, les idoles grossières, façonnées sur les cataclysmes du globe et sur les fureurs des tribus sauvages : Ouranos, qui engloutit ses en-