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ESCHYLE.

fants ; Cronos, qui dévore les siens, après avoir mutilé son père. Zeus était venu après eux, plus dégagé des scories de l’origine matérielle, vraiment divin par certains côtes, régulateur et conservateur, doué du génie de l’ordre et de l’équilibre. Mais combien il était imparfait encore ! Son omnipotence fondée sur la force s’était affermie par l’oppression, il avait haï les hommes avant de les adopter ; ses mythes divinisaient les violences et les vengeances arbitraires ; les tyrannies humaines avaient pu s’autoriser de son despotisme. — Que Zeus n’abuse donc point de son droit de conquête, qu’il croisse en vertu comme la piété des hommes le fait grandir en puissance. Qu’il ne dégénère point de la noble race sur laquelle il règne, qu’il se montre digne du chant de Pindare et du ciseau de Phidias ; qu’Eschyle puisse s’incliner devant lui, sans sentir son âme plier avec son genou. Sinon, ses jours sont comptés et son terme approche. Sur la tête sublime de l’Olympien assis et buvant à sa table d’or, frémit un éclair. C’est la parole du poète ou du philosophe, cette langue de fou qui défie sa foudre et qui saura détruire ce qu’elle a créé.

Après le départ d’Io, Eschyle a répété avec éclat sa prédiction aux Océanides. Ce n’est plus comme avant, une menace lointaine, c’est une sommation immédiate. On croit entendre la septième fanfare du