des triangles, colportant, sur un âne, le fétiche de la Déesse, et se tailladant les bras avec des couteaux, pour attirer les chalands.
La dernière incarnation de Bacchus est plus vile encore. De la mythologie assombrie et rétrécie des basses époques de l’antiquité, il passe, comme par un couloir ténébreux, dans la magie du Moyen âge, et il y reparaît déformé sous la figure bestiale de Satan. Métamorphose indiquée : par sa nature ambiguë, son génie troublant, ses instincts obscènes, ses artifices de sorcier, par le monde démoniaque qu’il entraînait après lui, Bacchus, au temps même de sa splendeur olympienne, était un diable parmi les dieux. Ses orgies où la lubricité s’accouplait à l’extase, rendez-vous des mécontents et des misérables, anticipaient, en les agrandissant à l’échelle antique, sur les terreurs et les prestiges du Sabbat. Tous les démonographes du seizième siècle, Sprenger, Del Rio, de Lancre, Boquet, Le Loyer, Hédelin, s’accordent à reconnaître en lui le « Prince des Sorciers », « le Chef des bouquins », le grand maître des cérémonies de l’Enfer. L’imagination des Inquisiteurs travaille sur lui au rebours des poètes de la Grèce ; elle le défigure et l’enlaidit avec rage. Presque androgyne autrefois, il devient incube et succube. Les cornes symboliques, qu’il ceignait et déposait comme une couronne d’apparat, s’implantent dans son front ;