Aller au contenu

Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
ESCHYLE.

son beau visage obscurci prend les traits du bouc de ses sacrifices. Un sinistre changement à vue transforme ses bacchanales en sabbat. Les Satyres à pieds de chèvre et à queue de singe jettent bas leurs masques de Génies agrestes, et deviennent des diables fétides. Les Ménades, dépouillées de leur beauté païenne, découvrent de hideuses figures de sorcières. De leur thyrse dégarni de pampres, elles font le manche à balai qui les transporte, par les airs, au bal sabbatique. Les torches odoriférantes qu’elles secouaient au vent du Taygète se changent dans leurs mains en chandelles vertes. Mêmes cris d’appel dans les sierras des Asturies, aux gorges du Jura, sur les plateaux du Blocksberg, que sur les sommets du Parnasse. Sabbath ! Sabbath ! répond comme un écho de barbarisme infernal au Saboë ! Saboë ! des anciens Mystères. Mêmes rondes dévergondées et furieuses : seulement, au lieu des grandes danses antiques, belles encore dans leur frénésie, c’est une saltation baroque et cynique, où les danseurs et les danseuses tournent dos à dos, sans se voir, et un bras en l’air. Mêmes banquets et mêmes curées faméliques ; mais le vin doré des Cyclades est remplacé par des breuvages de vertige faits de plantes herborisées sous la lune, au pied des gibets. En place des taureaux et des faons que dépeçaient les Bacchantes, les sorcières saignent des