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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/177

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que cette définition de l’épopée française donnée naguère par Gaston Paris, de cette épopée qui selon lui « est germanique dans son germe et romane dans son développement ». Somme toute, il n’est plus permis aujourd’hui de nier l’origine germanique de notre littérature épique, et c’est un point sur lequel les érudits français semblent d’accord avec les allemands.

Transportons-nous maintenant à la fin du Ve siècle, au milieu de cet horrible brouhaha qui a suivi le triomphe plus ou moins brutal des Francs, parmi ces malheureux catholiques du nord de la Gaule qui se voyaient écrasés entre les Barbares et les Ariens ; transportons-nous chez ces vaincus, chez ces désespérés, à la veille de Tolbiac et de la conversion de Clovis.

En ce moment décisif de notre histoire, les antiquissima carmina que devait un jour colliger le fils de Pépin, ces chants nationaux éclatent et éclateront longtemps encore sur les lèvres grossières des Francs, sur celles de leurs enfants et de leurs femmes qui les dansent en les chantant.

D’un autre côté, les Gallo-Romains, qui ont emprunté aux Barbares, ou qui vont leur emprunter leur costume, leurs armes, leurs mœurs, leurs vices mêmes, ces Gallo-Romains (on pourrait déjà dire ces Romans) ne croiront pas déroger en empruntant aussi les chants de leurs vainqueurs. Et (comme l’a si bien dit Gaston Paris) il a pu exister, dès le Ve siècle, des chants romans qui avaient pour objet certains événements notables et où l’élément chrétien devait être prédominant. Rien ne semble plus probable.

Mais enfin quels faits célébrait-on en ces chants tudesques ou romans, dont nous aurons bientôt à préciser la nature ? C’est ce qu’il faut déterminer nettement, et nous nous trouvons en présence de la grande question de l’épopée mérovingienne.

L’épopée mérovingienne. — Le premier personnage épique qui s’ouvre à nos regards dès l’aurore de notre histoire, c’est certainement Clovis, et c’est par lui qu’il conviendra peut-être de commencer désormais l’Histoire de l’épopée française. Il y a quelque vingt ou trente ans, on n’osait guère remonter que jusqu’à Charlemagne : les travaux des Darmesteter, des Rajna et des Kurth autorisent aujourd’hui une hardiesse qui