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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/181

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notre Darmesteter a si pertinemment parlé. Le jeune Dagobert encourut un jour la colère de son père pour avoir coupé (suprême outrage) la barbe d’un duc nommé Sadregisile : voilà ce que nous lisons dans les Gesta Dagoberti qui sont une œuvre monacale du IXe siècle ; voilà ce que les Gesta avaient évidemment emprunté à quelque poème contemporain de Dagobert. L’auteur anonyme de Floovant reproduit le même épisode et met seulement l’aventure sur le compte de son héros qu’il nous donne pour un fils de Clovis. De tant de chansons frankes qui durent être consacrées à Dagobert, c’est à peu près tout ce que notre épopée a gardé. On conviendra que c’est peu de chose.

Nous voici par bonheur devant un document plus positif, devant un vestige plus important de la poésie mérovingienne ; nous voici devant le véritable type de ces chansons qui ne sont point parvenues jusqu’à nous. Clotaire II a été plus favorisé que son fils Dagobert, et nous possédons le fragment authentique d’une chanson qui fut consacrée de son temps à un épisode de son règne dont nous n’avons pas à discuter ici l’historicité plus ou moins contestable. Il faut tout dire : ce fragment n’est qu’une traduction, et il ne nous a été transmis que par un hagiographe du IXe siècle, lequel écrivait deux cents ans après les événements. C’est dans la Vie de saint Faron par Helgaire, évêque de Meaux, que nous trouvons les huit fameuses lignes dont nous allons donner le texte, et que les romanistes considèrent avec raison comme leur plus riche et leur plus sûr trésor.

Mais il importe avant tout de connaître les faits précis qui ont été l’occasion de ce chant dont on peut sans témérité fixer la date à l’année 620.

C’est vers cette année en effet que la scène se passe, dans un des palais du roi frank, probablement à Meaux. On annonce à Clotaire l’arrivée d’une ambassade que lui envoie Bertoald, roi des Saxons. Le langage de ces députés n’a rien de diplomatique et égale en insolence celui que tiendront un jour les messagers de nos chansons de geste : « Je sais, dit Bertoald à Clotaire par la voix de ses missi, je sais que tu ne pourrais avoir l’intention de me combattre et que tu n’as pas seulement la force de concevoir une telle espérance. J’emploierai donc la douceur avec toi, et consens à préserver de la dévastation un royaume