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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/182

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que je considère comme le mien et où j’ai décidé de faire mon séjour. Je te somme de venir au-devant de moi et de me servir de guide. » À ces paroles, la colère de Clotaire s’allume : « Qu’on tranche la tête à ces Saxons. » Les optimates du roi frank, douloureusement consternés, lui font en vain observer que c’est là une violation du droit des gens et qu’un tel acte est contraire non seulement à la loi franke, mais à celle de tous les peuples depuis l’origine du monde. Clotaire, de plus en plus irrité, ne veut rien entendre. « Ordonnez au moins qu’on remette à demain une aussi cruelle exécution » : c’est ce que demande alors la voix d’un des principaux leudes de Clotaire qu’on appelle Faron et que l’Église devait un jour placer sur ses autels ; c’est ce que Clotaire finit par accorder. Le jour s’éteint, la nuit descend. Faron, qui était un véritable et solide chrétien, s’introduit auprès de ces infortunés Saxons qui attendaient, avec une épouvantable angoisse, l’aurore du lendemain : « Je vais, dit-il à ces païens, vous enseigner la loi du Christ afin que, cette nuit même, vous receviez le saint baptême et que vous soyez à la fois sauvés de l’éternelle mort et de celle de demain. » Ce catéchiste improvisé se prend alors à leur faire un exposé de toute la foi qui les touche et les convertit : ils courbent la tête et sont lavés dans l’eau baptismale. Puis, quand Clotaire vient en personne faire exécuter l’inique sentence, il trouve devant lui Faron qui prend, d’un cœur assuré et d’une voix ferme, la défense des ambassadeurs : « Ce ne sont plus là des Saxons, lui dit-il, mais des chrétiens. Dieu les a convertis cette nuit, et je viens de les voir tout à l’heure revêtus de la robe blanche des nouveaux baptisés. » Clotaire ne peut résister à une éloquence aussi chrétienne : il pardonne, et chargés de présents, les messagers de Bertoald retournent près de leur roi. La clémence de Clotaire ne fut pas de longue durée, et il ne put se résoudre à oublier les menaces du prince saxon. Il dirigea bientôt contre ces barbares une expédition dont tous les historiens n’ont pas parlé et en fit un horrible carnage. Tous ceux dont la taille dépassait la hauteur de l’épée de Clotaire furent inexorablement massacrés. Cette dernière légende se retrouve en plus d’un autre texte. Elle est bien germaine.

Cet épisode, qui était fait pour frapper également le patrio-