Aller au contenu

Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tisme des Franks et la foi des chrétiens devait fatalement inspirer des chants populaires. Un arrêt de mort, une conversion dans un cachot, des représailles victorieuses contre un insolent ennemi, il y avait là de quoi éveiller la verve de ces poètes anonymes qui travaillent pour le peuple. Le biographe de saint Faron, qui était clerc et écrivait en un mauvais style ampoulé, a du moins eu le mérite de nous transmettre le texte incomplet d’une chanson vieille de deux siècles qui avait son saint pour héros et que l’on redisait encore de son temps, sans y plus rien comprendre. « La victoire de Clotaire sur les Saxons, dit le bon Helgaire, donna lieu à un chant public juxta rusticitatem qui volait de bouche en bouche et que les femmes chantaient en chœur avec des battements de mains. » Chacun de ces mots d’Helgaire est d’un très haut prix et mériterait un long commentaire. Mais que dire surtout du texte lui-même que notre biographe, par malheur, ne cite que partiellement et dont il ne nous donne évidemment qu’une traduction latine :

De Chlotario est canere, rege Francorum,
Qui ivit pugnare in gentem Saxonum,
Quam graviter provenisset missis Saxonum,
Si non fuisset inclytus Faro de gente Burgundionum !

Et in fine hujus carminis :

Quando veniunt missi Saxonum in terram Francorum
Faro ubi erat princeps,
Instinctu Dei transeunt per urbem Meldorum
Ne interficiantur a rege Francorum.

Voilà certes le document le plus certain que nous possédions sur la poésie populaire de l’époque mérovingienne, et il semble qu’il n’y ait place en dehors de ce maître texte que pour des hypothèses plus ou moins hasardées, plus ou moins vraisemblables.

Il n’est même pas téméraire d’affirmer que la plus grande partie de ces chants populaires de l’époque mérovingienne qui ont été consacrés à Clovis, à Dagobert, à Charles Martel, devaient être à peu près de la même nature que la Chanson de saint Faron. C’est plus qu’une supposition : c’est presque une certitude.

Eh bien ! cette Chanson de saint Faron est-elle une épopée, comme plusieurs semblent le croire ? Ou bien faut-il seulement y