Aller au contenu

Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voir ce qu’on appelait naguère une cantilène (mais le mot n’est plus à la mode), ce qu’on appelle aujourd’hui « un chant lyrico-épique » ? Nous nous déclarons formellement en faveur de cette seconde thèse dont la vérité ne nous a jamais semblé douteuse.

Une épopée, ne l’oublions pas, est toujours d’une certaine étendue, et ne peut par conséquent être chantée que par des gens du métier, aèdes ou jongleurs.

Une épopée, à raison même de son étendue, ne saurait se graver dans la mémoire de tout un peuple ; elle ne saurait volitare per omnium ora ; elle ne saurait surtout être chantée par des chœurs de femmes avec des battements de mains pour accompagnement : feminæque choros inde plaudendo componebant. Tous ces caractères, au contraire, conviennent à ces chants essentiellement populaires que nous pouvons encore entendre de nos jours et que nos fillettes exécutent de la même façon que sous le roi Clotaire.

La Chanson de saint Faron est une ronde, et nous ne craignons pas d’affirmer que la plupart des chansons de la même époque ont été des rondes, à moins qu’elles n’aient été des péans ou des complaintes.

Et qu’on n’aille pas nous objecter ici qu’on ne peut pas, en une complainte ou en une ronde, se permettre un véritable développement historique. Il y a des complaintes en trente couplets et où l’on raconte aisément toute une existence de héros ou de saint. Cet épisode des ambassadeurs saxons, rien n’était plus facile que de le faire tenir en vingt couplets de quatre ou huit vers qu’un romaniste habile pourrait aujourd’hui reconstituer sans trop de peine.

Ce n’est pas à la légère que nous employons ici le mot romaniste, et la « ronde de saint Faron » doit être en effet considérée comme un poème en langue romane. On peut même aller plus loin et admettre, avec Gaston Paris, que ces chants nationaux ont pu quelquefois se produire sous une double forme, tudesques et romans. Mais il faut se hâter d’ajouter que l’élément germain a de plus en plus cédé la place à l’élément « français » et que les mots juxta rusticitatem semblent surtout applicables à un texte roman.

Et s’il nous fallait enfin formuler une dernière fois notre opinion sur une question aussi controversée, nous n’hésiterions