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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/199

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Gascogne, qui donna réellement asile à des ennemis de Charles Martel et qui fut amené pour ce motif à batailler contre le grand-père de Charlemagne[1]. Néanmoins nous n’avons pour Renaud qu’une silhouette dans l’histoire : pour Ogier, nous possédons la statue.

S’il est un héros épique dont la gloire mérite d’être comparée à celle d’Ogier et même de Roland, c’est certainement Girard de Roussillon. Il ne lui a peut-être manqué, pour balancer la gloire du vaincu de Roncevaux, que de s’être mis au service d’une aussi grande cause et d’être mort pour elle. À coup sûr il n’est pas moins historique. Il a réellement existé un Girard qui fut comte de Paris en 827, qui abandonna un jour le parti de Charles le Chauve pour embrasser celui de Lothaire qui combattit à Fontenai, qui fut en 853 gouverneur du royaume de Provence où il voulut plus tard se rendre indépendant ; qui soutint à ce sujet une lutte terrible contre Charles le Chauve ; qui dut en 870 livrer à l’Empereur la ville de Vienne vaillamment défendue par sa femme Berte, et qui, vaincu et exilé, mourut sans doute à Avignon avant l’année 879. La belle chanson de geste qui nous est restée et que Paul Meyer a traduite avec une si vivante exactitude est loin de reproduire minutieusement des faits aussi complexes ; mais on y retrouve à tout le moins le souvenir encore très net de la révolte de Girard et de sa lutte contre l’Empire, avec la très aimable et très noble figure de la bonne comtesse Berte[2].

C’est une physionomie sauvage et rude que celle de ce Girard qui a du moins racheté tant d’orgueil et d’indépendance en fondant de belles abbayes comme Vézelay et Pothières ; mais que dire de ce Raoul de Cambrai qui, au lieu de construire des églises, se fait une joie de brûler des monastères ? Ce brutal, qui est le héros d’une de nos chansons les plus farouches et les plus primitives, n’est pas un être imaginaire. Il a eu, par malheur, une existence très réelle. Il a certainement incendié le moutier d’Origny ; il a lutté durant plusieurs années contre les fils du comte Herbert de Vermandois ; il est mort en 943

  1. Revue des questions historiques, XXV, 1879 (article d’Auguste Longnon). Cf. Romania, VIII. 468.
  2. Voir Auguste Longnon, Revue historique, VIII, 1878, p. 251 et suiv. (Girard de Roussillon dans l’histoire). Cf. Paul Meyer, Girard de Roussillon, p. VII.