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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/318

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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

vant, non pas un manuscrit de la prétendue traduction française des Histoires d’Orose, comme on a cherché récemment à le démontrer, mais un manuscrit altéré contenant la première rédaction en prose de Thèbes[1].

Il suffira d’indiquer d’un mot qu’au xiiie siècle, le poète néerlandais Maerlant et son rival Seger Dieregodgaf avaient joint, dans leurs vastes compilations, la légende thébaine à celle de Troie, et que le Roman de Thèbes a fourni leurs titres aux deux romans d’aventures en vers de Huon de Rotelande, l’Ipomedon et le Protesilaus (fin du xiie siècle)[2], et aussi aux romans byzantins de Partonopeus de Blois (anonyme) et d’Athis et Profilias[3] (attribué à Alexandre de Bernay).

II. Roman de Troie. — Par son étendue (environ 30 000 vers octosyllabiques à rimes plates)[4], par l’importance du sujet et l’habileté relative avec laquelle il a été traité, mais surtout par l’immense succès qu’il a obtenu, le Roman de Troie occupe le premier rang parmi les poèmes imités de l’antiquité et mérite que nous nous y arrêtions assez longuement.

Il nous a été conservé (en dehors de sept manuscrits fragmentaires dont plusieurs ont une réelle importance) dans vingt-sept manuscrits complets ou à peu près, dont treize à la Bibliothèque nationale de Paris, deux à celle de l’Arsenal, un (acéphale) à la faculté de Médecine de Montpellier, deux au Musée britannique de Londres, un à la bibliothèque Philipps de Cheltenham, deux à la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, un à Vienne, deux à la Bibliothèque Saint-Marc à Venise, un à l’Ambroisienne de Milan (le plus ancien et le plus important), un au Vatican et un à la Bibliothèque nationale de Naples. Nous allons essayer de donner une idée de cette composition un peu complexe, mais qui cependant se développe sur un plan assez régulier et selon l’ordre des temps, et qui embrasse, non seulement l’histoire entière de la guerre de Troie, mais encore les causes de la

  1. Il avait sous les yeux un manuscrit différent quand il écrivait ses Destinées des princes (Falls of princes).
  2. Protesilaus et Danaüs y sont donnés comme des fils d’Hippomédon.
  3. Profilias n’est pas mentionné dans le Roman de Thèbes : Athis représente Aton, l’Atys de Stace.
  4. Il y a dans l’édition Joly 30 108 vers, chiffre qui sera légèrement rectifié dans l’édition critique que nous préparons.