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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/372

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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

pelle à Babylone, et les traîtres préparent un poison qui doit n’amener la mort qu’au bout de dix jours. Le roi, inquiet de la naissance d’un monstre humain à douze têtes qui cherchent à se mordre, consulte un sage vieillard, qui déclare que sa mort est prochaine et que les têtes représentent les douze pairs, qui se disputeront son héritage. L’un des traîtres verse le poison ; puis, comme Alexandre, se sentant empoisonné, demande une plume pour se faire vomir, il lui en donne une imprégnée de poison[1]. Le roi, se voyant perdu, distribue ses conquêtes à ses douze pairs, puis il perd connaissance. Sa femme Rosenès et ses amis manifestent tour à tour leur douleur. Alexandre se ranime un instant, leur adresse encore quelques paroles et meurt.

Les « regrets » reprennent après un nouveau et court récit de l’empoisonnement, qui offre quelque contradiction, ce qui indique un auteur différent. Puis le poème se termine par la description des obsèques et du tombeau d’Alexandre, l’énumération des villes fondées par lui sous le nom d’Alexandrie, et quelques réflexions morales sur les enseignements qu’on peut tirer de son histoire.

2. Divisions du « Roman d’Alexandre » ; ses auteurs et leurs sources. — M. P. Meyer[2] reconnaît, dans le Roman d’Alexandre imprimé, au moins quatre branches. La première contient l’histoire de l’enfance du héros et ses premières conquêtes jusqu’au siège de Tyr inclusivement ; la deuxième, le Fuerre de Gadres, peut se subdiviser en deux parties : l’une de pure imagination, qui répond seule à ce titre et se trouve isolée dans deux manuscrits et déplacée dans le manuscrit de Venise contenant la rédaction en décasyllabes (voir p. 237) ; l’autre, en partie empruntée à Josèphe et à Quinte-Curce, et qui n’a rien à faire avec la rubrique que porte dans plusieurs manuscrits le morceau entier. La troisième branche va de la défaite et de la mort de Darius à l’arrivée à Babylone des traîtres Divinuspater et

  1. Tacite (Ann., XII, 67) raconte que le médecin Xénophon usa du même stratagème à l’égard de l’empereur Claude. La mort d’Alexandre est racontée ici, surtout d’après l’Historia de prœliis (voir § 2), non sans quelque contradiction avec ce qui précède, car le roi, qui se méfie et fait éprouver son breuvage, admet cependant l’un des traîtres à sa table et permet que l’autre le serve, et d’autre part, le poison fait son effet immédiatement, et non au bout de dix jours, ce qui prouve qu’il y a ici deux auteurs différents.
  2. Alexandre, etc., II, 21 et suiv. et Rom., XI, 214 et suiv.