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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

rendre une part de cet éloge à Albéric de Briançon[1], l’auteur du poème provençal perdu dont nous n’avons que le début, un fragment de 105 vers octosyllabiques, distribués en 15 tirades monorimes[2]. En effet, c’est lui que suit, tantôt de très près, tantôt librement, à partir de l’endroit où commence le récit, l’auteur de la rédaction décasyllabique, et quand Albéric fait défaut, la comparaison avec le poème allemand de Lamprecht (voir n. 1), qui nous offre les deux textes le plus souvent d’accord, montre qu’ils remontent à une source commune, qui ne saurait être qu’Albéric. Mais revenons au roman en alexandrins.

La troisième branche, la plus longue, due à un certain Lambert le Tort[3] de Châteaudun, qui semble avoir voulu continuer le poème en décasyllabes inachevé, a été composée la première, dans le deuxième tiers du xiie siècle : elle devait comprendre la mort d’Alexandre ; mais cette dernière partie a été ou supprimée ou considérablement remaniée lors de la composition de la quatrième branche. Elle renferme, dans la plupart des manuscrits, deux interpolations évidentes, d’ailleurs anciennes : l’épisode du duc Melcis, qui emploie les rimes dérivatives (voir p. 235), et le voyage d’Alexandre au paradis ; et dans quelques manuscrits seulement, les Vœux du Paon de Jacques de Longuyon (vers 1312), ou même sa continuation, le Restor du Paon de Brisebarre, un peu postérieure, œuvres de pure imagination qui s’occupent des rapports de Porus et d’Alexandre[4].

Dans la quatrième branche, dont la composition varie selon les manuscrits, il faut distinguer deux parties, l’une qui se rattache à l’Histoire de Léon, l’autre qui dépend de l’Epitome de Valerius et a pour auteur un clerc, Pierre de Saint-Cloud, auteur également de la branche XVI du Roman de Renart. La première partie se distingue par une érudition supérieure à celle

  1. C’est ainsi qu’il faut le nommer, et non Albéric de Besançon, nom fourni uniquement par le poème du curé allemand Lamprecht, qui a imité et souvent traduit, au xiie siècle, le poème, resté incomplet, d’Albéric, suivant pour le reste les sources latines. M. P. Meyer a en effet démontré que la langue convenait parfaitement à Briançon, et nullement à Besançon.
  2. Voir le texte dans Bartsch, Chrestomathie de l’ancien français, col. 17, et dans P. Meyer, Alexandre, etc., I, 1, et Recueil d’anciens textes, partie française, n. 14.
  3. Et non le Court (Cort), qui ne se trouve que dans un manuscrit ayant appartenu au président Fauchet, lequel a fait la fortune de ce surnom erroné.
  4. En 1340, Jean de le Mote, l’auteur des Regrets de Guillaume, comte de Hainaut, a écrit le Parfait du Paon, suite du Restor qui n’a été conservée que dans un seul manuscrit.