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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

ou Venelais) offrait à un certain comte Henri[1] une nouvelle Vengeance d’Alexandre, qui n’a aucun rapport avec la première[2]. Enfin nous avons des suites beaucoup moins naturelles du Roman dans les Vœux du Paon, le Restor du Paon et le Parfait du Paon, dont il a été dit un mot plus haut[3].

Le succès du Roman a naturellement beaucoup contribué à celui de la traduction en prose française de l’Historia de prœliis, écrite dans la seconde moitié du xiiie siècle, non sans des interpolations et développements romanesques qui en font une véritable adaptation au goût du xiiie siècle des récits du faux Callisthènes[4]. Par contre, le succès de cette traduction a fait du tort à celui de la traduction de l’Epitome de Valerius et de la Lettre à Aristole, dont il ne reste qu’un exemplaire, contenant un texte qui n’est pas antérieur au xve siècle. La traduction de l’Historia a été en concurrence, au xve siècle, avec une œuvre non moins romanesque, l’Histoire d’Alexandre de Jean Wauquelin, l’auteur de l’Histoire de Girart de Roussillon. Cette œuvre, encore en grande partie inédite, a été composée entre 1445 et 1453 pour Jean de Bourgogne, comte d’Étampes et seigneur de Dourdan, petit-fils de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Elle doit beaucoup au Roman, le « livre rimé » dont il est question au Prologue, et le manuscrit dont s’est servi Wauquelin contenait toutes les interpolations successives, même les Vœux du Paon et la Vengeance,

  1. Peut-être Henri V, comte de Luxembourg depuis 1288, roi des Romains en 1308, mort en 1313. Voir P. Meyer, loc. laud., II, 262-264.
  2. Un fils que la reine Candace a eu d’Alexandre, Alior, reconnaissant dans le portrait fait par Apelles sa propre ressemblance, jure de venger son père. Avec le secours des généraux, compagnons d’armes du célèbre conquérant, il assiège Antipater dans sa forte cité de Rocheflor. Ils font d’abord brûler à petit feu l’un des meurtriers, Cassadran, qu’ils ont pris : puis empêchent le ravitaillement de la forteresse en transportant un corps de troupes au delà du fleuve sur lequel elle est située. Dans une nouvelle bataille, Alior s’empare du fils d’Antipater, Florent, qu’il échange ensuite contre son propre frère Ariste. La ville est enfin prise, et Divinuspater et Antipater livrés au supplice.
  3. En Angleterre, notre Roman a obtenu assez de succès pour que Thomas, ou plutôt Eustache de Kent, un trouveur plus érudit que judicieux, écrivant un poème sur Alexandre sous le titre peu exact de Roman de toute chevalerie, ait cru devoir en transcrire, sans toutefois l’indiquer, le Fuerre de Gadres et la partie de la quatrième branche où Alexandre mourant partage ses conquêtes à ses pairs. Eustache semble avoir écrit au milieu du xiiie siècle et s’être servi d’un exemplaire du Roman qui ne contenait ni les épisodes du duc Melcis et du Voyage au paradis, ni la Vengeance de Gui de Cambrai. Son œuvre a été en grande partie librement traduite ou abrégée, dès le xiiie siècle, dans un des poèmes anglais sur Alexandre édités par Weber (1810).
  4. Voir P. Meyer, loc. laud., II, 307 et suiv.