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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/377

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ROMANS HISTORIQUES OU PSEUDO-HISTORIQUES

dont l’auteur est appelé Jehan Nevelaux. Un manuscrit semblable a servi à l’auteur d’une rédaction en prose du xve siècle, dont le manuscrit unique, malheureusement mutilé, est conservé à la bibliothèque de Besançon.

Parmi les compilations historiques[1] qui ont admis l’histoire légendaire d’Alexandre, il convient de citer : 1o le Contrefait de Renart ou Renart le Contrefait, dont il y a deux rédactions, prose et vers mêlés, dues toutes deux au même auteur, un clerc de Troyes, et représentées par un seul manuscrit : à la demande de Lion, Renart y raconte l’histoire universelle, celle d’Alexandre surtout d’après l’Historia de prœliis, à laquelle est jointe la Vengeance de Jean le Nevelon ; 2o l’Histoire ancienne jusqu’à César, dont il a été plusieurs fois question ici : l’auteur emploie Orose, mais surtout l’Epitome de Valerius et la Lettre à Aristote ; 3o la Bouquechardière de Jean de Courcy (1416-1422), qui, outre l’Epitome et la Lettre, et les historiens anciens, emploie aussi l’Historia et les Dits moraux des philosophes, traduction faite au commencement du xve siècle d’un recueil latin d’origine orientale, les Dicta philosophorum, qu’a utilisé l’auteur d’une interpolation de la troisième branche du Roman. Il est naturellement difficile de décider si les auteurs de ces compilations ont eu ou non sous les yeux le Roman d’Alexandre, en même temps que ses sources latines ; mais l’affirmative est probable, surtout pour le Contrefait de Renart, dont l’auteur a connu la Vengeance d’Alexandre[2].

L’histoire d’Alexandre a naturellement été l’objet d’une foule d’allusions dans la littérature du moyen âge, non seulement dans le Nord, mais encore dans le Midi[3]. Parmi celles qui visent incontestablement le Roman, il convient de citer celle au tertre

  1. Nous laissons de côté, malgré son immense succès, surtout après qu’il eut été traduit en français par Jean de Vignay, le Speculum historiale de Vincent de Beauvais († 1264), où l’histoire d’Alexandre (liv. IV) montre une combinaison assez maladroite de l’Epitome de Valerius avec les historiens classiques. L’Alexandreis, le fameux poème en hexamètres de Gautier de Lille (vers 1180), dépend de Quinte-Curce, et non des textes dérivés du Pseudo-Callisthènes.
  2. Nous ne pouvons que mentionner ici l’étrange compilation du Secreta secretorum, bien à tort attribuée à Aristote, et ses fables, d’origine orientale, sur Alexandre, en particulier celle de la pucelle venimeuse dont Aristote le préserva. Ce livre a eu en Occident, au moyen âge, un immense succès, et il a été traduit, dès le xiiie siècle, par Jofroi de Waterford et Servais Copale.
  3. Voir P. Meyer, Alexandre, etc., II, 367 et suiv., et Birch-Hirschfeld, l. l., p. 18 et suiv.