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L’ÉPOPÉE ANTIQUE

aventureux du troubadour Aimeric de Sarlat (commencement du xiiie siècle), dans sa pièce Fis e leials, et la croyance à des gens vivant d’épices et d’odeur de piment, dans les Aliscans et dans la Chanson de Jérusalem (éd. Hippeau, p. 213). Mais les allusions les plus fréquentes, entre la seconde moitié du xiie siècle et le commencement du xive siècle concernent la largesse d’Alexandre, et non sa valeur guerrière. « Il est devenu le type idéal du seigneur féodal, ne cherchant point à amasser pour lui, mais distribuant généreusement à ses hommes les terres et les richesses gagnées avec leur aide, et s’élevant, par eux et avec eux, en honneur et en puissance[1]. » Cette conception, qui commence à poindre dans la rédaction en vers de dix syllabes, s’affirme surtout dans celle en vers alexandrins, en particulier dans les parties attribuées à Alexandre de Paris, qui semble avoir eu une grande part dans le développement de cette réputation de largesse faite au héros macédonien. Au xive siècle, cette réputation décroît peu à peu. Déjà, dans la seconde moitié du xiiie siècle, l’auteur anonyme de la version française de l’Historia de prœliis dit qu’Alexandre était covoitous par nature et eschars. Enfin, avec Guillaume de Machaut et Eustache Deschamps, il redevient définitivement le type du conquérant et il est mis par eux au nombre des neuf preux.


III. — Contes mythologiques ; imitations d’Ovide.


I. Poèmes imités des « Métamorphoses ». — Ovide, quoique moins étudié que Virgile au moyen âge, a été presque aussi célèbre. Les Métamorphoses surtout et l’Art d’aimer lui ont valu une belle renommée de conteur et de maître en l’art d’amour, de sorte qu’on a pu lui attribuer deux compositions du moyen âge, le Pamphilus (xiie siècle) et le poème de Vetula[2], de Richard de Fournival (1260), que traduisit bientôt Jean Lefèvre.

  1. P. Meyer, loc. laud., II, 373.
  2. Ces deux œuvres doivent leur personnage principal, la vieille entremetteuse, que le Roman de la Rose surtout a popularisé, à une élégie célèbre d’Ovide (Amours, I, 8).