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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/383

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CONTES MYTHOLOGIQUES

petit poème anglais, Sir Orfeo (voir n. 3), qui se donne comme un lai et qui semble avoir suivi de très près un original français dérivé plutôt d’Ovide que de Virgile : c’est un véritable conte de fées[1].

5. Divers. — L’existence de plusieurs poèmes dérivés des Héroïdes d’Ovide nous est attesté par les allusions des troubadours et des trouvères. Flamenca mentionne parmi les poèmes qu’on récita aux noces, celui de Phyllis qui fut changée en arbre par amour pour Démophon, auquel le Roman de la Rose fait une allusion encore plus précise (éd. Fr. Michel, v. 14 152-5), et celui d’Héro et de Léandre, dont il est aussi question dans le Roman de Troie (v. 22 067-72) et dans un dit de Beaudouin de Condé[2]. Le premier a sa source dans l’Héroïde 2 ; quant au second, l’auteur a dû s’aider de quelque commentaire des héroïdes 18 (17) et 19 (18), qui ne sont pas d’Ovide (non plus que les quatre autres qui vont par paires), mais que le moyen âge lui a toujours attribuées[3].

Nous connaissons de même, par des allusions, l’existence de certains poèmes dérivés des Métamorphoses : Biblis et Caunus (Guiraut de Cabreira, le Bel inconnu), Dédale et Icare (Guiraut de Calanson, Flamenca, Roman de la Rose, etc.), Io (Bestiaire d’Amour de Richard de Fournival, la Rose, etc), Tantale (Guillaume d’Angleterre, Rutebeuf, etc.), Phaéton (Bertran de Paris, Ysopet de Lyon, Froissart, etc.), Cadmus (Flamenca, la Rose, etc.), d’autres encore[4].

6. Chrétien Legouais : l’Ovide moralisé. — Mais l’œuvre de beaucoup la plus importante qu’ait inspirée Ovide au moyen

  1. Orphée, un roi harpeur, a perdu son épouse, enlevée par un roi de féerie qui l’a amenée dans un empire souterrain. Il laisse le soin du gouvernement à son sénéchal et se retire dans des forêts sauvages. Un jour, ayant vu passer le brillant cortège du roi de féerie, dont fait partie Eurydice (Heurodis), il s’élance à sa suite dans la fente de rocher qui conduit à son empire, et se présente à lui comme un habile ménestrel. Le roi, enchanté, lui promet de réaliser le vœu qu’il exprimera, et, sur sa demande, lui restitue sa femme sans aucune condition. Il retourne sur la terre et son sénéchal lui rend fidèlement son royaume.
  2. Les allusions aux amours de Paris et Œnone, de Paris et Hélène, de Médée et Jason, peuvent aussi viser d’autres sources, par exemple le Roman de Troie pour ces deux dernières légendes.
  3. Elles sont évidemment d’un rhéteur qui a voulu écrire, à l’imitation d’Ovide, des espèces de suasoriæ amoureuses.
  4. Dans son poème The temple of glass, Lydgate nous décrit un temple de verre où est représentée l’histoire de Médée et Jason, d’Adonis et Vénus, de Pyrame et Thisbé, d’Énée et Didon, de Thésée, de Dédale, etc.