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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/39

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tout depuis la publication de la Grammaire des langues romanes de Diez (1836-1843), une science positive, l’a démontré d’une façon indéniable. Le français n’est autre chose que le latin parlé dans Paris et la contrée qui l’avoisine, dont les générations qui se sont succédé depuis tant de siècles ont transformé peu à peu la prononciation, le vocabulaire, la grammaire, quelquefois profondément et même totalement, mais toujours par une progression graduelle et régulière, suivant des instincts propres, ou sous des influences extérieures, dont la science étudie l’effet et détermine les lois.

La suite de cette histoire montrera comment, pour devenir la langue que nous écrivons, le français eut ensuite à subir les diverses actions et réactions que toute langue éprouve lorsque son domaine grandit et englobe des territoires où un autre idiome était primitivement parlé, qu’elle rencontre des langues étrangères, enfin qu’elle devient l’instrument d’une haute culture littéraire. Nous ne voulons retenir ici pour le moment que ce seul fait primordial : le français est du latin parlé.

Il reste de cette origine comme un témoignagne dans le nom même que portent aujourd’hui les langues dites romanes, c’est-à-dire les parlers italiens, espagnols, portugais, provençaux, catalans, rhéto-romans, français et roumains. Bien entendu le témoignage serait de nulle valeur si ce nom leur avait été attribué par la science moderne pour résumer une hypothèse. Mais en réalité elle n’a fait que le prendre dans la mémoire des peuples, dont plusieurs aujourd’hui encore conservent à leur langue ce nom de roman ou romain, langua romana, témoin le roumanche de Suisse, le roumain des provinces danubiennes, le provençal de France, que ses fidèles appellent communément langue romane et qu’ils croient même seul en droit de porter légitimement ce titre. Au moyen âge, cette appellation est bien plus générale encore. On la donne souvent à l’italien, à l’espagnol, au portugais. En France, le verbe enromancer signifie mettre en français, et un roman a d’abord et longtemps été une composition en français vulgaire, avant d’être une œuvre littéraire spéciale. Or les textes démontrent que l’habitude d’employer ce terme remonte sans interruption jusqu’à la fin de