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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/451

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maladie simulée. Pour plus de sureté, Thessala, à l’insu de Cligès, compose un breuvage qui rend sa maîtresse insensible. On la croit morte, et on lui fait de magnifiques funérailles. Mais pendant la nuit, Cligès fait ouvrir secrètement le cercueil et emporte son amie en la couvrant de baisers.

Comme il ne savait rien du breuvage que Thessala avait fait boire à Fénice, il se désole de la voir demeurer inerte, et la croit véritablement morte. Pendant ce temps, le breuvage commençait à perdre sa force. Fénice, qui entend son ami se lamenter, voudrait pouvoir le réconforter par une parole ou par un regard : elle s’efforce en vain de sortir de sa torpeur, et son cœur se brise d’entendre les plaintes désespérées de Cligès. Enfin elle peut pousser un soupir, et elle dit faiblement et à voix basse :

Ami, ami ! Je ne suis pas
Du tout morte, mais peu s’en faut !

Les deux amants passent d’heureux jours dans leur retraite. Mais ils sont découverts, et s’enfuient en Angleterre. Pendant leur fuite, l’empereur succombe à un accès de fureur. Cligès retourne alors à Constantinople où les Grecs le reconnaissent pour leur seigneur et lui donnent son amie pour femme :

De son amie il fit sa femme,
Mais il l’appelle amie et dame,
Car au change elle ne perd mie :
Il l’aime comme son amie,
Et elle lui semblablement
Comme on doit faire son ami.

Mais depuis, les empereurs de Constantinople qui succédèrent à Cligès, hantés par le souvenir de cette aventure, et craignant d’être trompés par leurs femmes, ont pris l’habitude de les tenir enfermées et de ne laisser approcher d’elles que des eunuques.

Le roman de Cligés commence par une sorte de long prologue racontant les amours d’Alexandre, père de Cligès, avec Sauredamour, nièce d’Arthur, qui fut la mère de notre héros.

Le Chevalier au lion. — Le roman du Chevalier au lion est consacré aux aventures du chevalier Ivain, de la cour d’Arthur.