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l’épopée courtoise ; d’Adenet le Roi, dont il a été parlé aussi dans le chapitre de l’Épopée nationale, et qui a écrit Cléomadès, apparenté par le sujet à Méliacin ; et, avant tout, du célèbre jurisconsulte Philippe de Beaumanoir, dont les deux romans, la Manekine et Jean et Blonde, ne sont pas indignes de sa grande réputation.

Parmi les romans d’aventure qui ont eu le plus de succès, nous citerons le Châtelain de Couci, histoire bien connue du mari qui fait manger à sa femme le cœur de son rival[1] ; Floire et Blanchefleur, récit touchant des amours de deux enfants qui sont séparés par la volonté de leurs parents, dont les sentiments résistent à toutes les épreuves, et qui finissent par se rejoindre ; Amadas et Idoine, où l’on trouve la première idée de la scène du tombeau qui fait le dénoûment du « Roméo et Juliette » de Shakespeare ; Parténopeus de Blois, version retournée de l’aventure de Psyché : Parténopeus a une dame mystérieuse qui ne le reçoit que dans l’obscurité la plus complète ; poussé par la curiosité, il apporte un soir une lanterne, et cause ainsi le malheur de son amie, qui perd aussitôt la puissance magique grâce à laquelle elle pouvait recevoir son chevalier à l’insu de sa royale famille.

Nous avons vu qu’à partir des premières années du XIIIe siècle les romans en prose commencent à rivaliser avec les romans en vers dans la faveur du public. Ils l’emportent presque complètement au XIVe siècle ; d’ailleurs, à partir de ce moment, la matière se renouvela peu, on fit surtout de nouveaux exemplaires des romans en prose antérieurs, et on les imprima à la fin du XVe siècle. Le XVe siècle a cependant produit quelques romans qui méritent une mention spéciale : Pierre de Provence, qui, par la grâce des scènes d’amour, rappelle Aucassin et Nicolette sans en égaler la brillante fantaisie ; le Petit Jehan de Saintré, par Antoine de la Salle, glorification de la chevalerie sous toutes ses formes ; Jean de Paris, œuvre originale et charmante, relevée d’une plaisante satire du caractère anglais.

  1. Le nom du châtelain de Couci, poète lyrique célèbre, était, à l’origine, complètement étranger au sujet de ce roman. L’auteur l’y a introduit pour avoir l’occasion d’insérer dans son œuvre un certain nombre de chansons, suivant un procédé qui paraît avoir été imaginé par l’auteur de Guillaume de Dole, et qui fut employé dans plusieurs romans, notamment dans la Violette et dans Meliacin.