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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/78

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XLIV
INTRODUCTION

c’est en passant, bien entendu, qu’ils signalent quelque particularité du parler commun ou font allusion à son existence[1]. Voilà pour les sources indirectes.

C’est donc le plus souvent directement, que nous devons, sans indication des anciens, et avec le seul secours de la philologie, distinguer et relever dans les textes latins ce qui appartenait au langage vulgaire. Le travail immense et délicat de ce dépouillement n’est pas terminé, et les résultats acquis ne sont coordonnés nulle part. On peut prévoir toutefois qu’ils seront loin d’être ce qu’on pourrait désirer, les œuvres étant presque toutes, même quand les auteurs s’en défendent, essentiellement littéraires.

Un refrain de marche, composé par quelque légionnaire, une chanson de berger, avec moins de mérite peut-être, ferait cependant peu regretter une ode de Sidoine ou une églogue de Calpurnius. Mais, si les Romains blasés ont demandé, comme nos modernes, des plaisirs nouveaux à la poésie des faubourgs ou des hameaux, ce répertoire méprisé ne nous est malheureusement pas parvenu. Les Atellanes elles-mêmes, qui eussent été précieuses, ont disparu jusqu’à la dernière[2].

Les livres de demi-savants manquent aussi, pour les périodes un peu anciennes ; on ne cite guère que le Bellum africanum et le Bellum hispaniense. À l’époque chrétienne même, chacun, tout en professant le mépris et la haine de la rhétorique alliée à la philosophie pour la défense du paganisme, s’efforce d’écrire sans fautes, au. moins jusqu’au vie siècle. Lucifer parle de son langage rustique, et il copie Virgile ; Sulpice Sévère, Ruricius, Sidoine Apollinaire sont dans le même cas ; leurs œuvres, la liturgie elle-même, tâchent d’atteindre à la plus grande correction possible, et d’éviter la rusticitas[3].


    Probi, le Glossaire de Placidus, Consentius, deux petits traités d’orthographe (Gram. Lat. de Keil, VII, 92) et enfin les Origines d’Isidore de Séville.

  1. Voir par exemple Cic., De off., II, 10 ; Pline, Hist. nat., Préf., etc.
  2. Pétrone doit être étudié avec critique et précaution. Le langage populaire y est souvent représenté non par une image, mais par une caricature.
  3. Un des écrits les plus intéressants, sous ce rapport, est le voyage de Silvia, récemment découvert : Peregrinatio ad loca sancta. (Cf. le commentaire de Sittl dans les Verhandlungen der 40ten Versammlung deutscher Philologen in Görlitz, Leipzig, 1890.) Voici une phrase qui fera juger de son latin : Inde denuo alia die facientes aquam, et euntes adhuc aliquantulum inter montes pervenimus ad mansionem, quæ erat jam super mare, id est in eo loco, ubi jam de inter montes exitur, et incipitur denuo totum jam juxta mare ambulari. Je traduis littéralement : De là de nouveau, le jour suivant, faisant de l’eau, et allant encore un peu entre les montagnes, nous parvînmes à une maison, qui était