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Page:Petit de Julleville - Histoire de la langue et de la littérature française, t. 1, 1896.djvu/79

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XLV
ORIGINES DE LA LANGUE FRANÇAISE

Quant aux inscriptions, si on excepte quelques graffiti de Pompeii et des catacombes, d’autres inscriptions encore, mais en très petite quantité, elles n’ont pas fourni les renseignements variés et précis, que pouvaient faire espérer leur nombre, la variété des endroits où elles ont été trouvées, et celle des gens qui les ont fait faire. C’est qu’en réalité, comme on n’emploie guère la pierre et qu’on n’emprunte la main du lapicide que pour des objets sérieux et dans des circonstances importantes, la langue des plus humbles s’élève ces jours-là, et là où elle faillirait, l’ouvrier, qui est chargé de la traduire, guidé au besoin par des modèles et des formulaires, la corrige et la transforme. Nous avons peut-être dans les inscriptions des petites gens de l’antiquité leurs pensées et leurs sentiments, nous n’avons ni leur style ni leur langue, pas plus que leur écriture, mais une langue épigraphique à peu près commune, que des ouvriers, dont beaucoup peut-être étaient Italiens ou au moins urbains, comme de nos jours, se transmettaient[1].

Il faut arriver à l’époque barbare, où toute culture est presque éteinte, pour trouver en abondance des textes pleins de barbarismes et de solécismes, que l’ignorance générale ne permet plus aux scribes ni même aux auteurs d’éviter. Alors des graphies fautives, images plus ou moins fidèles de la prononciation populaire, une grammaire, une syntaxe, un vocabulaire en partie nouveaux envahissent les diplômes, les formulaires, les inscriptions, les manuscrits. Réunis et interprétés, ces faits seront, d’après ce que nous en savons déjà, du plus haut intérêt. Ils nous apporteront, malgré les falsifications que des correcteurs postérieurs ont fait subir aux textes, malgré les efforts que les scribes ont fait pour bien écrire et suivre un reste de tradition, des indications précieuses sur la langue parlée, qu’ils reflètent confusément. Mais ils ne suppléent pas ceux de l’époque précédente, dont nous sommes obligés de reconstituer sur bien des points le langage par induction et par hypothèse.


    déjà sur la mer, c’est-à-dire en ce lieu où déjà on sort d’entre les montagnes, et on commence à aller de nouveau tout jouxte la mer (ed. Gamurrini : Studi e Documenti di Storia, IX, 110).

  1. Voir Le Blant, Revue de l’art chrétien, 1859 ; Cagnat, Revue de philologie, 1889, p. 51. Qu’on réfléchisse à la persistance de certains mots, presque absolument morts comme ci-gît, qui se répètent néanmoins toujours sur les tombes qu’on apporte de la ville jusque dans les hameaux les plus reculés.