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LV
ORIGINES DE LA LANGUE FRANÇAISE

pu venir d’une contrée d’Italie et fournir la matière sur quoi on avait travaillé, mais il avait été élaboré à nouveau par les peuples dont l’empire avait fait des Romains, il était leur œuvre et portait leur caractère[1].

IV. — Le latin de la Gaule.

Les dialectes du latin. — Est-ce à cette époque romane, est-ce au contraire plus tôt, à l’époque romaine elle-même, que le latin de la Gaule commença à se particulariser, et à présenter quelques-uns de ces caractères qui, en se développant et en devenant toujours plus nombreux, ont fini par faire du latin parlé en deçà des Alpes et des Pyrénées le français et le provençal, tandis que celui d’au delà devenait l’espagnol et l’italien ? On devine, par ce qui a été dit plus haut des ressources insuffisantes que nous offre l’étude du latin vulgaire, qu’il est impossible de répondre à cette question par des faits.

L’absence de données positives, la quasi-identité des dérogations que les monuments écrits de tous les pays présentent par rapport à l’usage classique, ont porté un certain nombre de savants à conclure à l’unité du latin populaire dans toutes les provinces. Il était, selon eux, en Afrique et en Espagne ce qu’il était en Gaule[2].

Mais il faut considérer d’abord que l’accent, cette marque si distinctive, qui fait reconnaître du premier coup un Picard d’un Marseillais et un Comtois d’un Gascon, à plus forte raison un Allemand d’un Anglais, quand ils parlent français, ne s’écrit pas, et qu’on ne pourrait rien en saisir, ni dans leurs livres, ni dans les actes écrits par leurs notaires, ni dans les inscriptions de leurs tombes.

  1. On trouvera dans le Grundriss de Grœber, I, 360, une étude très serrée sur le latin vulgaire, et une bibliographie sommaire, mais très soigneusement composée.
  2. Darmesteter était très formel, si on n’a pas forcé sa pensée dans ce livre posthume : « Toutes les vraisemblances sont en faveur d’une unité à peu près complète. C’était certainement la même grammaire et la même syntaxe, et c’était sans doute le même lexique, qui régnaient de la mer Noire à l’Atlantique et des bords du Rhin à l’Atlas (Cours de gram. hist., p. 7). Cf. Schuchardt, Vokalismus des Vulgärlateins, I, 92.