Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/96

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traités sur les côtes d’Afrique, soit au delà du cap de Bonne-Espérance, soit en deçà jusqu’au cap Nègre, seront introduits dans les colonies françaises de l’Amérique ». Alors un arrêt du Conseil d’État, du 14 août 1777[1], accorde pour quinze ans à la Compagnie de la Guyane française[2] le privilège de la traite dans l’île de Gorée et sur les côtes d’Afrique, depuis le Cap Vert jusqu’à la rivière de Casamance, « d’autant plus que ces régions sont à peu près abandonnées du commerce français ».

Par suite de l’extension de jour en jour plus grande donnée à la culture et du manque d’argent qui fut toujours si préjudiciable pour les transactions aux Antilles, leur situation restait au fond assez précaire, sous de brillantes apparences. Car il fallait sans cesse de nouveaux bras pour ne pas laisser en friche les terres exploitées, et la difficulté de payer comptant faisait que les armateurs n’apportaient pas un nombre suffisant d’esclaves. Les récoltes devaient avoir été à ce moment particulièrement mauvaises, et la négligence des habitants pour les cultures vivrières les avait réduits, en l’absence des arrivages de farine de France, à une triste extrémité, si nous en jugeons par une lettre du Ministre qui informe, le 3 octobre 1777, les administrateurs de la Martinique de « la permission à eux accordée par le roi d’Espagne de donner des noirs en échange des vivres et denrées qu’ils tireraient du continent espagnol[3] ».

La traite française qui subsistait encore s’était, depuis 1763, détournée surtout vers Saint-Domingue, qui l’emportait en

  1. Arch. Col., F, 262, p. 123. — Voir B, 160, Cayenne, p. 8. Lettre ministérielle, 14 mars 1771, à M. Le Brasseur, pour qu’il détermine les habitants de Gorée à vendre les esclaves qu’ils ont de trop. — Ib., 34. Lettre du 25 juillet à M. Malouet, au sujet de l’engagement pris par les Compagnies de porter à Cayenne tous les nègres qu’elle traitera.
  2. Cf. Arch. Col., F, 134, p. 247 : détails sur cette Compagnie fondée par l’initiative de l’abbé De Manez, qui avait fait un premier appel aux capitalistes de Paris dès 1172. En 1783, elle était en déficit de 2 millions.
  3. Arch. Col., F, 262, p. 149.