Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
CHAPITRE XIII.


Plan des odes de Pindare.


Ce n’est plus aujourd’hui le temps où il n’était bruit, chez les littérateurs, que du délire pindarique, et du désordre, admirable selon les uns, presque ridicule selon les autres, des compositions du poëte thébain. Ces assertions, nées de la prévention ou de l’ignorance, ont disparu devant une étude approfondie du texte de Pindare. Toutes les odes ont un plan raisonné, et qui en détermine l’économie. Un Allemand, nommé Dissen, a même essayé de représenter, sous un certain nombre de formules géométriques, les diverses dispositions auxquelles se réduisent, dans Pindare, toutes les combinaisons de A, sujet direct de l’ode, avec B, sujet indirect mythique, et C, deuxième sujet indirect, qui n’est pas mythique, et D, troisième sujet indirect, qui n’est pas non plus mythique. Ceci est la superstition, ou, si l’on veut, la folie de la régularité. Mais, pour n’avoir rien de mathématique, les plans de Pindare n’en sont pas moins réels, et visibles à qui sait y regarder. Je remarque même que le poëte ne chantait pas avant d’avoir reçu de son héros certaines données positives, certains renseignements indispensables. Il convenait avec lui d’une sorte de programme, et il s’obligeait à faire entrer dans son œuvre tel ou tel fait particulier, telle ou telle idée principale ; ce qui n’avait d’ailleurs rien d’incompatible avec sa liberté. Il y fait allusion lui-même en plus d’un passage. Ainsi, par exemple : « J’en dirais davantage, mais le programme que je dois suivre, mais les heures qui se pressent m’en empêchent[1]. » Et ailleurs : « Et vous, Éacides aux chars d’or, sachez que mon programme le plus clair est de ne jamais aborder dans votre île sans vous combler d’éloges[2]. » On le voit fréquemment s’arrêter au milieu des plus vifs élans de sa verve, pour s’avertir lui-même de rentrer dans les limites qui lui sont tracées ; de traiter encore tel point qu’il oubliait, et, selon son expression, d’acquitter sa dette, de mériter son salaire.

  1. Pindare, Néméennes, ode VI.
  2. Isthmiques, ode V.