Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
ACCUEIL FAVORABLE DU RÉGIME

ces promesses de stabilité. Les nobles et la vieille bourgeoisie aux frais de qui s’étaient accomplies toutes les nouveautés des dernières années, qui avaient perdu leurs privilèges et leurs places et qu’avaient épouvantés tant de déclamations contre les riches, apprenaient avec délices que les droits de la propriété seraient maintenant pour le gouvernement des « droits sacrés » et même plus sacrés sans doute que ceux de la liberté et de l’égalité, puisque les consuls les plaçaient en première ligne. Bien rares étaient ceux d’entre eux qui rêvaient encore d’une restauration du passé. Pour la plupart, ils étaient prêts à accepter l’ordre de choses créé par la Révolution, du moment que la Révolution était « finie ». Car ils n’étaient pas sans remarquer que cette révolution, dont ils avaient eu si grand peur, tournait finalement à l’avantage des propriétaires. Le droit nouveau qu’elle avait introduit rendait bien plus facile et entourait en même temps de garanties jadis inconnues, l’achat, la vente, l’engagement des biens. Il suffirait de jouir de la sécurité pour disposer à l’avenir de moyens nouveaux de faire fructifier les capitaux que l’on avait jusqu’alors soigneusement dissimulés par crainte des réquisitions et des emprunts forcés. La liberté et l’égalité n’avaient plus rien d’inquiétant et de subversif du moment que leur exercice serait contrôlé par un État s’appuyant sur les « notables ». Jusqu’ici, les acheteurs de biens nationaux avaient seuls joui des faveurs du gouvernement. Désormais, entre les anciens et les nouveaux riches, la solidarité des intérêts allait amener un rapprochement qui serait à l’avantage de tous deux. Ni les préjugés sociaux, ni les préventions religieuses ne pourraient empêcher les acquéreurs de biens noirs et les détenteurs héréditaires de la fortune de s’unir en une même classe possédante sous la protection de l’État.

La petite bourgeoisie et les petits propriétaires ruraux voyaient aussi l’avenir sous les couleurs les plus rassurantes. Le rétablissement de l’ordre allait leur permettre de profiter de la liberté économique qui, au milieu de la misère générale, n’avait encore été qu’un vain mot. L’abolition des corporations de métiers donnait maintenant à chacun le droit de